Connect with us

    Énergie & Recharge ⚡

    200 000 fûts radioactifs en mer : le scandale nucléaire oublié par la France

    Published

    on

    200 000 fûts radioactifs en mer : le scandale nucléaire oublié par la France

    Un voyage troublant dans les profondeurs radioactives de notre héritage industriel, n’est-ce pas?

    Entre 1946 et 1990, la France, accompagnée d’autres nations nucléarisées, a précipité plus de 200 000 conteneurs de déchets radioactifs dans les profondeurs de l’Atlantique. À cette période, on considérait naïvement les zones abyssales comme des espaces stériles et sans vie. Ces conteneurs reposent toujours à 4 000 mètres sous la surface… et personne ne peut affirmer avec certitude leur état actuel. Se sont-ils détériorés? Ont-ils pollué l’écosystème marin? Les instances officielles n’ont jamais entrepris de vérification approfondie.

    C’est précisément pour élucider ce mystère qu’une expédition scientifique s’apprête à partir cet été, avec pour mission de localiser ces conteneurs, d’établir une cartographie détaillée des zones d’immersion, et de mesurer l’étendue de ce désastre environnemental.

    Une époque marquée par la méconnaissance scientifique

    Après la Deuxième Guerre mondiale, les nations développées se sont engagées pleinement dans l’exploitation de l’énergie atomique, sans vraiment anticiper la gestion des résidus hautement toxiques. Face à l’accumulation terrestre de ces déchets, une solution s’est rapidement imposée: les immerger dans les profondeurs océaniques.

    Les zones abyssales, situées à plusieurs kilomètres sous la surface, étaient alors considérées comme le réceptacle parfait: des régions supposément dépourvues de vie et suffisamment éloignées pour nous dispenser d’assumer les conséquences de nos actions.

    Advertisement

    La France a activement participé à ces opérations d’immersion. Dès les années 1960, elle a déversé des centaines de fûts radioactifs dans des secteurs isolés, notamment la fosse des Casquets au large des côtes normandes. Les enrobages en béton ou bitume censés isoler ces conteneurs n’offraient que des garanties théoriques. L’objectif prioritaire n’était pas la protection environnementale, mais l’élimination rapide: déverser, oublier et passer à autre chose.

    Des environnements marins compromis?

    Il aura fallu attendre jusqu’en 1990 pour que cette pratique soit finalement interdite. Cette année-là, la Convention de Londres, initialement adoptée en 1972, a définitivement prohibé l’immersion de déchets radioactifs en mer. Malheureusement trop tard pour les milliers de conteneurs déjà immergés, souvent sans documentation précise ni localisation exacte, car aucune stratégie de récupération n’a jamais été envisagée. Ces fûts, théoriquement hermétiques, demeurent au fond des océans, exposés à la dégradation temporelle et aux pressions extrêmes des grandes profondeurs.

    Les autorités croyaient agir judicieusement, ignorant totalement la richesse biologique des abysses, pourtant foisonnante et diversifiée. Organismes adaptés aux conditions extrêmes, espèces uniques et vulnérables, réseaux alimentaires sophistiqués: autant d’écosystèmes potentiellement exposés à cette contamination. Personne ne peut affirmer avec certitude si les conteneurs résistent encore… ou s’ils libèrent déjà leur contenu toxique.

    Selon Patrick Chardon, chercheur au Laboratoire de physique de Clermont-Ferrand, il convient toutefois de nuancer ce tableau. Dans un entretien au Journal du CNRS, il a indiqué: « À notre connaissance, aucun combustible, aucun déchet à haute activité ou à vie longue, n’a été mis à l’eau, précise le physicien. Il s’agit pour ce que l’on en sait de matériel tel que gants, matériaux de laboratoire, échantillons…, assimilables à des déchets classés TFA (très faible activité), FA (faible activité) ou MA (moyenne activité)« . Une façon bien institutionnelle de suggérer que nous n’avons probablement pas immergé les déchets les plus dangereux, sans pour autant pouvoir le garantir formellement.

    à lire également :  Hydrogène : la Chine fonce, la France en retard, peut-on rattraper la course ?

    La traque des conteneurs radioactifs est engagée

    Pour enfin éclairer ce cimetière nucléaire submergé, une mission scientifique d’envergure prendra la mer en juin vers les profondeurs atlantiques. Nommée Nodssum, cette expédition mobilisera les compétences conjointes du CNRS, de l’Ifremer et de la flotte océanographique française.

    Advertisement

    L’objectif sera d’explorer, d’analyser et de comprendre l’état réel de ces conteneurs et leur environnement. Sur près de 6 000 km² de plaine abyssale (superficie comparable à la moitié de l’Île-de-France), les scientifiques déploieront une technologie sonar ultraperformante, capable de détecter les moindres irrégularités topographiques des fonds marins.

    Zones d’immersion des fûts radioactifs (NEA#3 et #4) dans l’Atlantique Nord-Est. © Projet Nodssum, 2025

    Le fleuron technologique de la mission: UlyX, un submersible autonome, l’un des rares appareils au monde conçu pour ces profondeurs abyssales. Capable de descendre jusqu’à 6 000 mètres avec une autonomie opérationnelle de 24 à 48 heures, cet engin représente une prouesse technique de la Flotte océanographique française sans laquelle cette exploration demeurerait irréalisable.

    La mission Nodssum ne se limitera pas à localiser les conteneurs, souvent immergés sans référencement géographique précis, mais prélèvera également des échantillons de sédiments, d’eau et d’organismes marins pour détecter d’éventuelles contaminations. Ces prélèvements constitueront la base scientifique d’une seconde campagne, plus ciblée, qui évaluera l’intégrité des conteneurs et les risques radiologiques pour les écosystèmes marins avoisinants.

    Considérer l’océan comme un simple dépotoir relevait d’une illusion dangereuse, issue d’une méconnaissance scientifique doublée d’une facilité logistique. L’immensité océanique a servi de justification au déversement de ces conteneurs, comme si leur profondeur nous exemptait de notre devoir environnemental. Erreur manifeste! Ce que nous avons tenté d’enfouir définitivement ressurgit aujourd’hui inéluctablement, et même si l’expédition Nodssum ne pourra réparer les dommages causés, elle aura au moins le mérite de nous confronter aux conséquences de nos actes passés.

    • Des déchets nucléaires immergés dans l’Atlantique depuis des décennies constituent une menace écologique indéterminée, car leur condition actuelle et leur impact sur la biodiversité des grands fonds demeurent largement inconnus.
    • Cette pratique historique résulte d’une compréhension erronée des écosystèmes abyssaux, alors présumés sans vie, et d’une volonté d’éliminer simplement des matières dangereuses.
    • Une expédition scientifique innovante (Nodssum) explorera les profondeurs océaniques cet été pour identifier ces conteneurs, évaluer les risques potentiels et documenter cette pollution historique.
    Advertisement

    Articles tendance