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    Le nucléaire en Europe : 50 ans d’erreurs et une solution ressuscitée

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    Le nucléaire en Europe : 50 ans d'erreurs et une solution ressuscitée

    L’uranium usé, une mine d’énergie inexploitée : une start-up révolutionne notre approche des déchets nucléaires

    Des fûts métalliques entreposés sur des dalles de béton, des bassins de refroidissement remplis d’assemblages radioactifs, et des projets de stockage souterrain à plusieurs centaines de mètres de profondeur… À travers l’Europe, ce sont des centaines de milliers de tonnes de combustibles nucléaires épuisés (essentiellement composés de dioxyde d’uranium) qui attendent depuis des décennies une solution définitive. L’ironie? Ces matériaux conservent environ 90% du potentiel énergétique de l’uranium original.

    Jusqu’à présent, personne n’avait véritablement proposé de méthode pour exploiter cette ressource sans raviver d’anciennes controverses, certaines nations considérant le recyclage nucléaire comme un risque potentiel de prolifération militaire. Cependant, Thorizon, une jeune entreprise franco-néerlandaise, pense avoir trouvé la solution : transformer ces résidus en source d’approvisionnement énergétique. Leur innovation repose sur une technologie oubliée : le réacteur à sels fondus.

    Thorizon propose une révolution silencieuse dans l’industrie nucléaire

    Cette startup ambitionne de convertir ce qui est aujourd’hui perçu comme un problème environnemental en ressource précieuse. Le dispositif qu’elle développe, nommé Thorizon One, fonctionnera avec une solution de sels fondus incorporant simultanément des combustibles usagés et du thorium. Ce dernier est un élément radioactif naturel trois à quatre fois plus répandu que l’uranium dans l’écorce terrestre, et dont la transformation en matériau militaire s’avère considérablement plus difficile.

    À terme, Thorizon One pourrait générer 100 MW, suffisant pour répondre aux besoins électriques de 100 000 foyers, ce qui le positionne naturellement dans la catégorie des Petits Réacteurs Modulaires (SMR).

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    L’utilisation des sels fondus dans les réacteurs nucléaires n’est pas une innovation récente ; des expériences américaines avaient déjà été menées dans les années 1960. Ces sels sont des composés chimiques – généralement des mélanges de fluorures ou de chlorures métalliques – solides à température ambiante qui se liquéfient lorsqu’ils sont chauffés, typiquement entre 500°C et 800°C. Dans cette configuration, le fluide remplit deux fonctions : il transporte la chaleur et contient directement le combustible fissile (la matière capable de soutenir la réaction nucléaire en chaîne).

    Ces substances présentent une excellente stabilité thermique, d’excellentes capacités de transfert de chaleur et fonctionnent à faible pression : des conditions idéales pour exploiter l’énergie nucléaire en toute sécurité, évitant les contraintes des hautes pressions caractéristiques des réacteurs conventionnels à eau. Bien qu’opérant à des températures très élevées, la basse pression change fondamentalement la donne : en situation d’urgence, le liquide peut rapidement se solidifier, emprisonnant les éléments radioactifs sans créer de surpression. Les risques d’explosion s’en trouvent donc considérablement réduits.

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    Thorizon mise sur une approche modulaire ; plutôt que de construire un grand réservoir comme dans les centrales conventionnelles, le Thorizon One s’articule autour de modules métalliques interchangeables contenant le combustible liquide. Lorsque le mélange est épuisé, la cartouche est simplement substituée, minimisant ainsi les manipulations risquées.

    « Notre système de cartouches permet de circonscrire les zones les plus sensibles du réacteur. Cette technologie facilement remplaçable offre une approche sécurisée et contrôlée pour manipuler les matières radioactives », souligne Kiki Leuwers, directrice de l’entreprise.

    Quels obstacles ont empêché l’Europe d’adopter cette technologie plus tôt ?

    Cette interrogation est légitime, considérant que cette technologie existe depuis plusieurs décennies. Durant les années 1960 et 1970, plusieurs nations, dont la France, les États-Unis et le Japon, ont expérimenté des réacteurs dits « rapides », capables de régénérer leur propre combustible. Néanmoins, à cette époque, les inquiétudes concernant la dissémination nucléaire, notamment liées à la production de plutonium, ont entravé leur développement.

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    Simultanément, la découverte d’importants gisements d’uranium en Australie, au Canada et en Afrique a provoqué une chute des prix. L’extraction de combustible neuf s’avérait alors économiquement plus avantageuse que le recyclage : l’équation était simple, les réacteurs à sels fondus n’étaient pas économiquement viables.

    Aujourd’hui, le paradigme mondial a évolué ; l’uranium reste disponible, mais son extraction est devenue plus onéreuse. Face aux défis énergétiques et climatiques croissants, les acteurs du secteur nucléaire sont contraints de réévaluer toutes les options, y compris celles qui semblaient dépassées.

    Extraire, utiliser, rejeter : tel a été le modèle dominant de l’industrie nucléaire depuis ses débuts. Au lieu de perpétuer cette approche linéaire, Thorizon propose un modèle circulaire, et l’Europe dispose déjà du matériau qui pourrait concrétiser cette vision. Thorizon nous démontre qu’il s’agit d’une ressource exploitable, mais nous hésitons encore à la reconnaître comme telle : il est difficile d’admettre cinquante années d’immobilisme technique et politique.

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