Énergie & Recharge
La Chine bâtit un barrage équivalent à toute la puissance nucléaire française

Au cœur des montagnes himalayennes, dans l’un des canyons les plus reculés de notre planète, la République Populaire de Chine a initié la construction d’un ouvrage hydraulique d’une ampleur sans précédent. Le projet Motuo prend forme sur le Yarlung Tsangpo, un cours d’eau vénéré par les populations tibétaines et vital pour près d’un milliard d’individus vivant en Inde et au Bangladesh, qui dépendent étroitement de ses eaux.
Avec une capacité de production estimée à 60 gigawatts, Motuo s’annonce comme l’infrastructure hydroélectrique la plus colossale jamais conçue. Sa puissance, triple de celle du barrage des Trois-Gorges (également situé en territoire chinois, dans la province du Hubei), rivalise avec l’ensemble du parc nucléaire français et ses 56 réacteurs qui génèrent 63 GW. Ce projet titanesque, dont le coût atteindra 165 milliards de dollars, suscite déjà de vives tensions, puisqu’il permettra à Pékin de contrôler le débit d’un fleuve transfrontalier sur un territoire contesté. Les autorités chinoises n’ont ni sollicité l’avis des communautés locales, ni engagé de dialogue avec les nations situées en aval : pour elles, l’objectif de transition énergétique prime sur toute autre considération.
Un instrument de puissance énergétique et diplomatique
L’édification du barrage Motuo répond avant tout à l’appétit énergétique croissant des zones urbaines orientales chinoises. L’électricité produite sera acheminée vers les provinces côtières, conformément à la stratégie nationale du xidiandongsong (littéralement "l’électricité de l’ouest transmise vers l’est"), pièce maîtresse du programme énergétique porté par le président Xi Jinping. Ce chantier colossal poursuit un double objectif : répondre aux besoins énergétiques tout en renforçant l’influence géopolitique de Pékin, qui cherche à s’imposer comme gestionnaire suprême des ressources hydriques issues des hauteurs tibétaines.
Le Yarlung Tsangpo, sur lequel s’érige l’ouvrage, constitue en réalité le segment supérieur du Brahmapoutre, un fleuve crucial qui traverse ensuite l’Inde (où il prend le nom de Siang) puis le Bangladesh, avant de fusionner avec le Gange. Cette situation équivaut littéralement à placer "la main sur les vannes", au mépris des principes de gestion équitable des eaux transfrontalières internationales.
Plusieurs organismes d’analyse, notamment le Lowy Institute, considèrent ce projet comme un véritable levier géostratégique. La Chine exercera un contrôle presque total sur les ressources hydriques du sous-continent, lui permettant potentiellement d’imposer une pression diplomatique continuelle sur ses voisins en régulant l’approvisionnement nécessaire à l’agriculture, à la prévention des périodes sèches ou à la gestion des inondations saisonnières.
À New Delhi, certains stratèges évoquent déjà le spectre d’une "bombe hydraulique". Ce scénario catastrophe impliquerait une libération massive et soudaine des réserves accumulées derrière Motuo, capable de dévaster des vallées entières et d’inonder la région indienne de l’Arunachal Pradesh située en contrebas.
Le plateau tibétain, réservoir captif au service de la Chine continentale
Les autorités chinoises présentent Motuo comme une initiative écologique, destinée à produire une électricité décarbonée et facilement mobilisable pour compenser les fluctuations inhérentes aux énergies solaire et éolienne. L’hydroélectricité offre effectivement cet avantage structurel majeur : la possibilité d’ajuster instantanément la production selon les besoins. Ces infrastructures excellent dans ce domaine, mais rappelons cette vérité fondamentale du secteur énergétique : aucune source de production électrique n’est exempte d’inconvénients.
Les barrages de cette envergure laissent derrière eux des paysages submergés, des écosystèmes anéantis, des milliers de personnes déracinées et un fleuve profondément modifié jusque dans ses caractéristiques fondamentales – débit, température et cycles naturels. Soyons francs : avec Motuo, la Chine s’apprête à instrumentaliser le droit international de l’eau.
Le plateau tibétain, qui concentre la majorité des 193 projets hydrauliques chinois identifiés par l’organisation International Campaign for Tibet, constitue un espace d’une fragilité écologique exceptionnelle. La gorge du Grand Méandre, où le Yarlung effectue un virage spectaculaire au pied du mont Namcha Barwa, abrite l’une des biodiversités les plus riches d’Asie. Cette zone est également traversée par plusieurs failles sismiques actives, un facteur géologique qui n’a manifestement pas été considéré comme suffisamment dissuasif par les décideurs chinois.
Le chantier prévoit le forage de tunnels de 20 kilomètres sous les massifs montagneux pour rediriger le cours d’eau et installer cinq centrales en cascade. Les risques sismiques sont minimisés dans les communications officielles du Parti. Les déplacements forcés également : sur les seuls projets déjà opérationnels, plus de 120 000 personnes ont dû quitter leurs terres. Avec Motuo, ce nombre pourrait dépasser le million.
La politique hydroélectrique déployée par Pékin au Tibet fait l’impasse sur le consentement des populations autochtones. Les projets de barrages s’accompagnent systématiquement de relocalisations contraintes, de destruction du patrimoine local, reléguant les considérations environnementales au second plan. Seule la volonté de maîtriser les ressources hydriques importe véritablement, et toute manifestation d’opposition est promptement réprimée.
L’année dernière, des centaines de Tibétains avaient tenté de protester contre un projet similaire ; Pékin a résolu la situation à sa manière : arrestations brutales, violences physiques et détentions arbitraires. De nombreux manifestants ont été gravement blessés, selon des témoignages locaux.
Depuis l’industrialisation massive de la Chine, les infrastructures lourdes constituent le bras armé de l’autorité étatique. Motuo s’inscrit parfaitement dans cette logique ; à chaque étape du développement national, Pékin a utilisé les grands chantiers pour consolider son emprise sur les territoires périphériques. Depuis sept décennies, ces projets comportent invariablement une dimension symbolique : c’est par la construction que la Chine matérialise sa domination. Depuis l’annexion du Tibet en 1951, le gouvernement chinois a systématiquement investi dans des infrastructures sur ce territoire : réseaux routiers, barrages, lignes ferroviaires. Dans les années 2000, la stratégie de "développement de l’Ouest" (xibu da kaifa) a intensifié cette approche, en intégrant le Tibet dans l’économie nationale via des aménagements décidés unilatéralement par et pour Pékin. Force est de constater que Motuo représente l’extension directe de cette vision autoritaire, selon laquelle l’affirmation de souveraineté passe par la transformation physique du territoire, sans jamais accorder de voix aux populations directement concernées.

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