Énergie & Recharge
Le crématorium source de chauffage : Une ville française maîtrise ses factures

Une commune normande transforme l’énergie funéraire en chaleur domestique
À Petit-Quevilly, dans l’agglomération rouennaise, une initiative énergétique novatrice fait parler d’elle. La municipalité a mis en place un système permettant de valoriser la chaleur générée lors des crémations pour contribuer au chauffage urbain de ses habitants. Ce dispositif, opérationnel depuis 2020, s’inscrit dans une démarche plus globale d’optimisation énergétique déjà existante sur la commune.
Cette solution, pionnière sur le territoire français, a suscité initialement des réticences et des questionnements éthiques. « Certains nous disaient de ne pas le faire », rappelle Charlotte Goujon, maire de la commune et également vice-présidente en charge de la transition écologique à la métropole rouennaise, lors d’un entretien accordé à Franceinfo.
La récupération thermique issue de l’incinération des corps défunts pour réduire les coûts de chauffage des logements soulevait effectivement des interrogations morales. Cependant, le projet, lancé en 2018, répondait également à une problématique concrète : les délais d’attente excessifs pour les familles endeuillées. À Rouen, la saturation des services funéraires imposait une attente de 21 jours pour obtenir une crémation. Suite à un investissement de 100 000 euros et après consultation publique, le système de récupération thermique a été intégré au nouveau crématorium.
Le dispositif s’appuie sur un réseau de canalisations préexistant qui utilisait déjà la chaleur produite par l’usine d’incinération de déchets voisine. Les habitants, lors de l’enquête publique, s’inquiétaient principalement de l’implantation du crématorium et des nuisances potentielles. Des filtres à charbon ont donc été installés pour capturer les fumées, tandis qu’un système de refroidissement transforme les émissions en vapeur d’eau.
Un processus technique à 800 degrés pendant une heure et demie
Le mécanisme ne récupère pas directement la chaleur des fours crématoires, mais plutôt l’énergie thermique dégagée par le système de refroidissement, selon un principe similaire à celui des réfrigérateurs. Chaque crémation nécessite environ 90 minutes à des températures oscillant entre 790 et 900 degrés, produisant ainsi une quantité significative d’énergie thermique. L’établissement peut réaliser jusqu’à 9 crémations quotidiennes, contribuant substantiellement au réseau de chauffage local. Le crématorium lui-même bénéficie également de ce système pour ses propres besoins en chauffage, réduisant ainsi ses coûts opérationnels.
Interrogés par Franceinfo, plusieurs résidents de Petit-Quevilly ignoraient l’origine partielle de leur chauffage. Les réactions sont diverses : « Si ta mère mourait, tu en penserais quoi ? » lance un habitant sexagénaire à sa voisine, qui répond avec pragmatisme : « Moi, ça ne me dérangerait pas. C’est pas mal pour l’énergie… Et de toute façon, on va tous y passer ! » Une autre résidente approuve l’initiative : « Je trouve que c’est une très bonne initiative. Comme ça, la chaleur est réutilisée et il n’y a pas de perte. »
Charlotte Goujon souligne les avantages économiques de cette solution : « Cela permet de maîtriser les factures, qui sont restées stables pour les habitants quand celles des autres explosaient après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. »














