« Une question de temps » : la fin prochaine de l’automobile prédite par un ingénieur

L’automobile individuelle serait-elle en voie d’extinction ? D’après Jean-Marc Jancovici, ingénieur réputé à la tête du Shift Project, ce n’est plus qu’une "question de temps" avant que nous assistions à la disparition de la voiture telle que nous la connaissons.

La voiture personnelle, jadis célébrée comme l’incarnation de l’émancipation et de l’innovation du siècle dernier, semble désormais condamnée à s’effacer progressivement de notre paysage. C’est l’analyse sans concession livrée par Jean-Marc Jancovici lors de son intervention sur RMC-BFMTV. Profitant du contexte de l’abandon récent des Zones à Faibles Émissions (ZFE), l’expert a souligné l’impératif de transformer notre conception de la mobilité et d’élaborer dès maintenant des solutions alternatives viables et démocratiques.

Pour cet expert reconnu, l’extinction de l’automobile individuelle n’est plus hypothétique, mais inéluctable. "Il deviendra extrêmement compliqué de maintenir des véhicules pesant une tonne et demie par individu avec une énergie accessible dans un monde où les ressources fossiles – pétrole, gaz et charbon – auront disparu", argumente-t-il. Le continent européen subit déjà une diminution régulière des approvisionnements pétroliers depuis une quinzaine d’années, tandis que le recul des immatriculations de véhicules neufs témoigne d’une transformation majeure en cours.

L’abandon des ZFE, dispositifs destinés à limiter la circulation des automobiles les plus polluantes dans les centres urbains, met en lumière le défi de concilier transition écologique et équité sociale. Si leur vocation était de combattre la pollution atmosphérique, ces mesures ont également focalisé les appréhensions des foyers aux revenus modestes, souvent contraints d’utiliser leur véhicule pour leurs déplacements professionnels ou quotidiens, et incapables financièrement d’acquérir un modèle moins polluant.

Concevoir de nouvelles solutions, faciliter la transition

Jean-Marc Jancovici insiste sur l’importance d’une évolution graduelle et équitable. "La volonté de réduire la pollution automobile est légitime, mais les approches possibles sont multiples", précise-t-il. L’ingénieur suggère diverses stratégies : prohibition progressive des véhicules très polluants, renforcement des mécanismes d’aide au renouvellement automobile, mise en place d’une taxation basée sur la possession de véhicules, ou encore développement significatif des infrastructures cyclables et des réseaux de transport collectif.

Ces propositions semblent toutefois en décalage avec les orientations récentes adoptées par l’exécutif. La suppression des ZFE a coïncidé avec une réduction drastique des subventions pour l’acquisition de véhicules écologiques, compliquant davantage la transition pour les ménages les moins favorisés. "Lorsqu’on interdit certaines catégories de véhicules, quelles solutions proposons-nous aux personnes concernées ?", s’interroge l’expert. En l’absence d’alternatives crédibles, le risque existe de voir certains automobilistes se rabattre sur des modèles diesel d’occasion, plus accessibles financièrement mais plus nocifs pour l’environnement, creusant ainsi le fossé entre ambitions environnementales et réalités socio-économiques.

Selon Jean-Marc Jancovici, le véritable enjeu consiste à "harmoniser les impératifs environnementaux et économiques". Les bénéfices écologiques se traduisent ultimement par des avantages sociétaux. Mais cela implique d’accepter des mutations profondes dans nos habitudes quotidiennes, nos pratiques de déplacement et nos politiques publiques. "Dans un écosystème dégradé, l’ensemble de nos activités se trouve considérablement entravé", rappelle-t-il, plaidant pour une approche holistique qui concilie préoccupations environnementales et justice sociale.

Le succès de cette évolution vers une mobilité décarbonée dépendra donc de la capacité des autorités à élaborer des réponses progressives, inclusives et personnalisées. À défaut, nous risquons d’assister à une multiplication des régressions, comme l’illustre le regain d’intérêt pour les motorisations diesel.

• Jean-Marc Jancovici considère que la disparition de l’automobile individuelle est certaine, conséquence de l’épuisement des ressources énergétiques et de l’urgence climatique.
• Il préconise des mesures échelonnées et le déploiement d’alternatives concrètes (transports en commun, mobilité douce, incitations) avant toute restriction drastique.
• En l’absence de solutions accessibles, la transition risque d’accentuer les disparités sociales et de provoquer un retour vers des véhicules plus polluants, compromettant la lutte contre la pollution et le dérèglement climatique.